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Mon aventure canadienne

Et bien voilà... c'est depuis Montréal que je rédige ce billet. Oui, oui, Montréal au Canada, pour de vrai ! Ce billet sera donc plus un partage d'expérience qu'une réelle réflexion orthophonique : je vais vous raconter comment m'est venue l'idée de vivre cette expérience et ce que j'ai dû mettre en place pour vivre de l'autre côté de l'Océan.

 

Bonne lecture !

 

 

Le Québec, mythe ou réalité ?

Depuis que je suis petite, le Québec me fait rêver : le sirop d'érable, les grands espaces, les caribous, ce beau drapeau, mon amie Juju qui avait adoré son voyage là-bas quand nous étions ado, la chanson de Lynda Lemay "Les maudits Français", le cavalier champion olympique Eric Lamaze... Grande voyageuse, je n'y avais pourtant jamais mis les pieds... Trop peur que cela me plaise, peut-être ?! Et puis en orthophonie et en pédagogie, le Québec est aussi une référence. J'ai fait d'ailleurs plusieurs formations de formateurs québécois, dont Yvon Blais par exemple, en visio en 2015, quand les formations en visio n'étaient pas du tout à la mode. J'ai écouté des podcasts, ai acheté du matériel des éditions Passe Temps et Placote, ai suivi des comptes Facebook, en me disant "Rahhh, ça a vraiment l'air génial!".

 

En mars 2022, à une période de vie un peu compliquée (du genre de celle où on se dit "bon, quelque chose ne me plaît pas, il faut que je fasse un truc pour que ça aille mieux, mais quoi?!"), je me suis dit "eeet, mais si j'allais au Canada pendant un ou deux mois, "en stage"? Et oui, j'avais envie de voir si le Québec, c'est vraiment merveilleux... ou si c'est seulement un mythe ?

 

Immigration

Tirage au sort et démarches administratives

Le Canada, ce n'est pas simple au niveau administratif. Et pour venir en "stage", il faut avoir un permis de travail. Une connaissance sur place (Geneviève si tu passes par là ;-) )  me dit de tenter le PVT ou "Permis Vacances Travail". Oh, ça me plaît ce nom de permis, tiens ! Sauf que, pour les Français•e•s, on ne peut le demander que jusqu'à la veille de nos 36 ans, et moi, j'ai déjà 35 ans et demi... Et il ne suffit pas de demander le PVT, encore faut-il être tiré•e au sort ! Oui, oui... au sort ! 

Bon, après avoir beaucoup lu d'articles sur le site Pvtistes.net, je remplis le dossier en ligne et attends sagement le fameux tirage au sort. Je sais que certaines personnes attendent 3 ans, alors bon, je ne me fais pas d'illusion...

Finalement, mon dossier est tiré au sort... un mois après que je l'aie déposé ! Incroyable !

Mais je ne suis pas au bout de mes peines : comme je compte travailler dans une école ou dans la santé, je dois passer une visite médicale chez un médecin à Paris, avec radio des poumons et analyses diverses... à mes frais, évidemment.

 

Je passe quelques heures à remplir les dernières pages de mon dossier (TOUS mes voyages depuis mes 18 ans, demander les extraits de casier judiciaire de tous les endroits où j'ai vécus, c'est-à-dire, la Suisse, la France et la Belgique) et j'attends. Et finalement, fin août 2022, je reçois ma lettre d'invitation. A partir de cette date, j'ai un an pour aller au Canada et faire transformer cette lettre en un permis de travail qui sera valable 2 ans. La machine est donc lancée... mais vais-je partir ?

 

Déménager de l'autre côté de l'Atlantique ?

Durant mes expériences en Belgique et en Suisse, j'avais déjà connu les démarches diverses d'assurance, de couverture santé, d'ouverture de compte bancaire, de nouveau numéro de téléphone, et... que c'est fatigant ! Je n'avais pas très envie de recommencer... Mais pourtant, c'est forte de mes précédentes expériences à l'étranger que j'ai entamé mes recherches et que je ne suis rendu compte que... c'est possible, en fait. Pas simple, mais possible ! Je lis et compulse donc quelques sites Internet et groupes Facebook afin de me faire une représentation plus précise de tout cela... et ce qui me paraissait insurmontable commence à devenir... possible !

Etre orthophoniste au Québec ?

Equivalence & co

 Au Québec, l'exercice de l'orthophonie est régi par l'Ordre des Orthophonistes et des Audiologistes du Québec (OOAQ). Voici ce qu'on peut lire sur le site de l'OOAQ :  "L’orthophonie est une profession à titre et à activités réservées. Ceci signifie que nul ne peut utiliser le titre d’orthophoniste, ou laisser croire qu’il l’est, s’il n’est pas détenteur d’un permis valide et s’il n’est pas inscrit au tableau de l’Ordre des orthophonistes et audiologistes du Québec. Ainsi, c’est l’inscription au tableau des membres de l’Ordre, et non le diplôme, qui donne le droit d’exercer la profession."

 

Impossible donc d'exercer la profession d'orthophoniste au Québec sans avoir ce fameux permis. Permis que je ne pourrai obtenir qu'après une procédure d'équivalence qui s'annonce longue et coûteuse (encore plus avec mon diplôme de logopédie obtenu en 3 ans en Belgique, il y a 15 ans). Je trouve que c'est plutôt rassurant pour les patient·e·s / client·e·s que le titre soit protégé et qu'il y ait de vrais contrôles. Mais, que vais-je faire si je ne suis pas orthophoniste ?

 

What ? Agente de correction du langage ?!

C'est alors que j'entre en contact avec Kristell, une orthophoniste française qui vit à Montréal depuis 3 ans. Elle me partage son expérience et me parle des "agentes de correction du langage" (ACL). C'est un métier qui existe au Québec depuis quelques années maintenant et qui peut être exercé sans diplôme particulier : ainsi, les ACL peuvent être des  étudiant·e·s en orthophonie, des éducatrices, etc. Les ACL travaillent sous la supervision d'un·e orthophoniste membre de l'Ordre, et peuvent avoir différentes missions, notamment :

  • proposer des activités de stimulation globale du langage
  • proposer des activités plus ciblées définies avec l'orthophoniste (plan de traitement, progression...)
  • promouvoir la prévention primaire auprès des parents et des enseignant·e·s

En revanche, impossible pour les ACL de faire des évaluations, de proposer des plans de traitements ou de définir des objectifs de rééducation.

 

Malgré ce champ d'exercice restreint, l'idée de découvrir l'exercice dans un nouveau pays, sous la supervision d'une orthophoniste expérimentée, me plaît. D'autant que l'employeur de Kristell, le Centre de Services Scolaire de la Pointe de l'Ile, cherche des ACL. 

Entretien d'embauche

Je prends donc contact avec le CSSPI et la responsable des orthophonistes. Le contact passe très bien et, de visio en visio, me voilà à passer un entretien d'embauche un soir à 22 heures sur mon canapé. Mémorable ! Il faut croire que mon profil leur plaît car ils me font une offre d'emploi. Je suis ravie ! Les pièces du puzzle se mettent en place...

Le CSSPI regroupe plus de 50 écoles primaires, secondaires et spécialisées, gère plus de 40 000 enfants et emploie plus de 9000 professionnels. Wahoo ! Moi qui arrive de mon cabinet, cela me changerait radicalement de travailler dans une école. Survivrais-je au salariat ?

Et si j'allais voir, en vrai ?

Un voyage-test

C'est bien beau de lire, de passer des entretiens, mais en réalité, c'est comment le Québec?... Chance ! Le congrès international francophone de pédagogie a lieu début juin à Montréal. J'en profite pour venir m'imprégner de la ville, visiter l'Université de Montréal, rencontrer quelques personnes.

Comment je me sens ? Et bien... bien ! La citadine en moi se sent bien dans cette ville cosmopolite, et les nombreux parcs me donnent envie de flâner en observant les écureuils. J'y retrouve le côte nord-américain que j'aime tellement, tout en entendant parler français.

Je crois qu'il n'y a plus à réfléchir... Je vais vraiment vivre mon aventure canadienne !

 

C'est parti !

Côté job, je confirme ma venue au CSSPI et ô joie, je vais travailler avec Kristell, dans une école primaire d'un quartier défavorisé de Montréal. L'école accueille plus de 800 enfants, âgés de 4 ans à 12 ans. Au sein de l'école, il y a aussi un point de services TSA. A voir comment nous allons articuler notre travail, mais je me réjouis, même si je me demande un peu comment je vais me sentir dans une école...

Côte perso, un appart est trouvé dans un quartier sympa de Montréal. Je pourrai me rendre au boulot à vélo ou en transports en commun.

 

Et en France ?

Evidemment, partir vivre au Canada nécessite de réaménager ma vie tant personnelle que professionnelle. Voici comment j'ai réorganisé mes multiples activités professionnelles.

Au cabinet

 J'ai la grande chance que Charlotte, une ortho géniale, s'occupe de mes patient•e•s. Charlotte étant jeune diplômée, je lui propose 4 heures de supervision par mois sur Zoom, dont elle peut disposer à sa guise. Cela permet d'avoir du temps dédié pour qu'elle me puisse me poser toutes les questions qu'elle souhaite et que j'aie vraiment du temps pour lui répondre, ce qui ne serait pas vraiment le cas si on se contentait de contacts par SMS ou Whatsapp. Je pars donc l'esprit léger de savoir que tout va bien se passer au cabinet : Charlotte et Julia, ma collègue neuropsy, veillent au grain ! Merci les filles !

 

Au CFUO de Strasbourg

 

 

 

J'ai proposé aux directrices pédagogiques de transformer mes cours en visio, enfin plus précisément en modalité hybride, avec des cours asynchrones sur la plateforme Moodle, comme en e-learning, et synchrones sur Zoom (bah oui, je ne vais pas revenir à Strasbourg toutes les semaines). Cela me demande énormément de travail, mais j'ai hâte de proposer cette formation novatrice aux étudiant•e•s et de les voir devenir plus compétent•e•s. Bientôt un article de blog sur le sujet si cela vous intéresse ! 

Les formations

Je pense bien entendu continuer à donner des formations, à la lumière de mon expérience canadienne. Je me suis laissé le temps de m'installer confortablement ici, mais les prochaines dates devraient sortir tout bientôt !

 

Si vous souhaitez les connaître, vous pouvez vous inscrire ici.

 

Et si vous souhaitez une formation sur mesure, à des dates particulières pour un groupe particulier, n'hésitez pas à me contacter à par mail

Et alors, le Québec, ça me plaît vraiment ?

 

Et bien, la réponse est oui, oui et encore oui ! Et pourtant, au Québec, tout n'est pas parfait, loin de là ! Les bus sont souvent en retard, les gens disent aussi qu'ils manquent de moyens, comme partout, il y a des personnes incompétentes, la politique environnementale est une catastrophe, l'immobilisme administratif atteint des sommets, et, gravissime... la vente de vin est régulée par la SAQ (exit ma caviste adorée!), mais quand même, cela me plaît beaucoup, beaucoup, beaucoup !

 

Qu'est-ce que j'aime particulièrement ici ?

  • le sourire et la bonne humeur des gens. Je ne suis plus la seule à être de bonne humeur pour "rien" et mes blagounettes récoltent même des sourires !
  • les parcs qui émaillent la ville et les arbres dans toutes les rues, avec des écureuils partout
  • l'architecture de Montréal, où il y a plein de maisons d'environ 2 étages avec des escaliers métalliques à l'avant
  • l'accueil qui m'a été réservé dans l'équipe des 60 orthophonistes du CSSPI et dans l'école où je travaille. Wahoo ! Que ça fait du bien ! Et puis, le CSSPI fournit un ordinateur et un Ipad pour chaque orthophoniste. Je vous jure, ce n'est pas une blague...
  • la sensation d'appartenir à une communauté orthophonique au sein du CSSPI, avec plein de canaux de communication, de partages, de formations en commun (cette semaine, ce sont Pascal Lefevbre et Nicole Fortier qui sont venus nous parler de l'orthophonie inclusive et du modèle de réponse à l'intervention. Très instructif !)
  • la possibilité de découvrir l'orthophonie scolaire, une autre orthophonie que celle que j'ai connue jusqu'à aujourd'hui, guidée par Kristell en plus, nous permettant de partager nos expériences et nos expertises.
  • la proximité avec New York et les USA. Et oui, j'adore New-York et la Nouvelle-Angleterre, et je peux y aller en bus, en train ou en voiture d'ici. :)

Alors, je sais, je sais, vous me direz que c'est le début, que les écureuils vont bientôt m'énerver, que le vin français va VRAIMENT me manquer et que je n'ai pas encore passé un hiver ici... Certes, mais pour l'instant, je profite !

 

Je vous fais des becs !


 

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Commentaires: 6
  • #1

    Caroline (vendredi, 15 septembre 2023 18:07)

    Incroyable cette réponse en 1 mois..un copain médecin et sa famille attendent depuis plus d'un 1n..c est qu'ils savaient que tu étais géniale

  • #2

    Marguerite (vendredi, 15 septembre 2023 18:48)

    Bravo Claire et merci pour ce beau partage !

  • #3

    Caroline Fischer et cie (dimanche, 17 septembre 2023 13:46)

    Merci Claire pour ce partage. On vous suit de près depuis Oberhoffen avec Sarah�

  • #4

    Claire (lundi, 18 septembre 2023 20:57)

    Oh merci pour vos commentaires ! :-) Effectivement, j'ai eu beaucoup de chance pour le tirage au sort !

  • #5

    Gaëlle (jeudi, 28 mars 2024 19:33)

    Ton parcours m’inspire, merci pour ce bel article !
    Très réaliste en même temps . Envisages-tu quand même de demander l’équivalence de diplôme dans un futur proche .
    Je suis moi aussi «  logopède de formation » et suis preneuse de partage d’expériences si le temps te le permet !?

  • #6

    Lacampagne Alexandra (lundi, 22 avril 2024 09:20)

    Bonjour à toi
    Je suis en train d'écrire un livre autour de l'identite professionnelle, est ce que tu penses que nous pourrions nous mettre en relation afin d'avoir ton témoignage sur ton voyage au Québec ?
    Je te remercie �