Dernier article au sujet des interventions qui ont eu lieu fin septembre au colloque ECLOR#4 sur le langage oral de l'enfant, organisé par Orpheo.
Pour les deux autres articles de la série, c'est ici pour l'épisode 1 et ici pour l'épisode 2.
Et voici donc les résumés des interventions de Laëtitia de Almeida sur l'acquisition de la phonologie chez les enfants bilingues, de Didier Roch sur le récit, de Christine Nossent sur Metaphon et de Paulette Antheunis sur les facteurs de risques et de protection dans le plurilinguisme.
Quels facteurs influencent l'acquisition de la phonologie du français chez des enfants bilingues?
Intervenante : Laëtitia DE ALMEIDA, Docteure en Sciences du Langage, Maîtresse de Conférences à l'Université de Lisbonne
Différents types de bilinguisme
Mme De Almeida nous a parlé de bilinguisme, en commençant par un petit rappel sur ce qu'est le bilinguisme simultané (c'est-à-dire apprendre deux langues exactement en même temps) et le bilinguisme séquentiel (c'est-à-dire apprendre une langue, puis une autre), qui peut être soit précoce dans la vie de l'enfant, soit plus tardif.
Dans le cas d'un bilinguisme simultané, le développement langagier est similaire au développement monolingue, avec les mêmes étapes développementales, mais il y a tout de même des particularités au niveau lexical et grammatical, liées notamment aux interférences linguistiques liées à la dominance ou à des particularités structurelles, l'impact de l'input sur les acquisitions, et bien sûr une grande variabilité interindividuelle.
Dans le cas d'un bilinguisme séquentiel, l'acquisition est naturelle entre 3 et 5 ans pour les compétences orales et entre 4 et 7 ans pour les compétences scolaires, mais cette acquisition n'est pas facile pour autant. Il existe là aussi une grande variabilité interindividuelle liée aux aptitudes cognitives, aux caractéristiques de la langue maternelle, à la qualité et la quantité de l'input, etc.
Bilinguisme et TDL
Prendre en compte le bilinguisme et le TDL représente un vrai défi pour les chercheurs et les cliniciens.
En effet, en cas de TDL, il y a des difficultés phonologiques dans la L1 et très souvent en cas de bilinguisme, il y a des difficultés phonologiques dans la L2. Par ailleurs, il est nécessaire d'identifier des marqueurs cliniques fiables du TDL. Et enfin, il faut jongler avec les très nombreuses variables externes (âge, durée et quantité d'exposition, particularités linguistiques des langues, etc.)
Evaluer le langage dans un contexte de bilinguisme
On s'en rend bien compte en clinique, c'est une tâche ardue. Plusieurs options s'offrent à nous :
- attendre et voir/surveiller : c'est une option difficile car les enfants en difficultés nécessitent une aide immédiate
- tester les deux langues : impossible en pratique, d'autant que les tests ont des normes monolingues
- adapter les normes des tests existants : c'est une bonne idée, mais elle est insuffisante car les performances à un test dépendent de différents facteurs, dont la fréquence et la richesse d'utilisation du français.
- développer des outils spécifiques pour les enfants en situation de plurilinguisme : c'est sûrement la meilleure option, pour laquelle il est nécessaire de cibler des structures linguistiques spécifiques et de recueillir des informations auprès des parents.
Les épreuves LITMUS
Image du site bi-sli.org
Des chercheurs, dont ceux de l'équipe BILAD de l'Université de Tours, ont décidé de créer les épreuves LITMUS (Language Impairment Testing in Multilingual Settings), un outil contenant des structures problématiques dans le TDL et le bilinguisme et qui est peu sensible aux variables inhérentes au bilinguisme.
Les épreuves LITMUS veulent apporter une réponse clinique au besoin de dépistage du TDL chez des enfants bilingues, afin d'aider à distinguer un réel trouble du langage de difficultés liées à l'acquisition d'une LS, et comportent :
- une épreuve de répétition de phrases
- une épreuve de répétition de non-mots
- un questionnaire parental, le PaBiQ. Ce questionnaire a pour objectif de recueillir des informations sur l'utilisation des langues, les habiletés langagières actuelles, le développement langagier précoce de l'enfant en situation de plurilinguisme. Et le truc génial, c'est que le PaBiQ est disponible dans plusieurs langues ! (plus d'informations, ici)
Les épreuves LITMUS se veulent vraiment être un outil complémentaire au diagnostic de TDL, avec pour but de compléter l'anamnèse et d'aider à interpréter les résultats des tests standardisés en français.
Et non, malheureusement, les épreuves LITMUS ne sont pas encore accessibles aux cliniciens. Il faudra attendre la validation par les chercheurs. Néanmoins, si vous voulez voulez plus d'infos, c'est sur le site bi-sli.org. Et le questionnaire PaBiQ est en revanche accessible gratuitement ici, et ça c'est cool !
Le Projet PhonoAllo
Le projet PhonoAllo, financé durant 33 mois par le LabEx ALSAN, a pour objectif d'évaluer la phonologie d'enfants allophones nouvellement arrivés en France. Le contexte de cette étude est que la plupart des études menées suggèrent que la phonologie d'une L2 dans l'enfance s'acquiert rapidement, mais des apprenants ont tout de même des difficultés pour acquérir les structures phonologiques complexes, notamment en anglais. De plus, nous ne savons toujours pas dans quelle mesure des facteurs non phonologiques ont un impact sur le développement de la phonologie L2.
Les questions de recherche du projet sont donc :
- est-ce que les enfants L2 présentent une bonne performance au test de répétition de non-mots LITMUS dès leur première année d'exposition au français?
- quels facteurs influencent la performance des enfants L2 au test de répétition de non-mots en français?
62 enfants de différentes nationalités et de différentes L1 ont participé à l'étude.
Le protocole de test comprenait :
- le questionnaire parental PaBiQ
- une évaluation non langagière standardisée comprenant une épreuve de raisonnement non-verbal (Matrices de Raven), une épreuve de mémoire de travail et de mémoire phonologique (Exalang)
- une évaluation langagière standardisée comprenant une épreuve de vocabulaire réceptif (N-EEL) et des épreuves métaphonologiques
- une évaluation langagière non standardisée comprenant du langage spontanée et la répétition de non mots LITMUS.
Bien que très intéressants, je vous passe le descriptif détaillé, que je n'arrive pas à vous expliquer clairement, hihi.
Les conclusions de l'étude sont que :
- la phonologie est acquise précocement par des enfants L2
- elle peut être évaluée avant le vocabulaire
- des aspects phonologiques et non phonologiques influencent la performance des enfants au test de répétition de non-mots
- les enfants ont des difficultés avec les structures phonologiques complexes
- il y a beaucoup de variation entre les enfants : d'autres études sont donc nécessaires.
Bref, on a hâte que les épreuves LITMUS soient accessibles aux cliniciens ! :-)
Rééducation des compétences narratives chez l'enfant TDL
Intervenant : Didier ROCH, orthophoniste clinicien, formateur
Sincèrement, moi, le récit, ça me fait peur ! C'est complexe, ça me paraît flou, peu spécifique. Mais après avoir écouté Didier, et bien je crois qu'il ne faut pas hésiter à se lancer !
Après quelques définitions du récit, Didier nous a rappelé les différentes contraintes auxquelles un locuteur est confronté pour raconter un événement : des contraintes de communication, mettant en jeu nos compétences pragmatiques, des contraintes discursives, nous forçant à planifier notre discours et des contraintes linguistiques. Tiens, c'est peut-être pour ça que cela me paraît si complexe... Mais voici un schéma de Sophie Kern qui permet de mieux visualiser tout ça.
Pourquoi s'intéresser au récit quand on est orthophoniste ?
- c'est un outil communication qui donne sens aux expériences et aux relations
- cela permet de développer l'imaginaire
- cela permet d'aborder les composantes linguistiques, cognitives et pragmatiques du langage
- c'est une mesure écologique des compétences langagières (qui ne s'arrêtent pas qu'aux phrases, rappelons-le!)
- lorsqu'un enfant ne se met pas à raconter des événements, c'est un facteur de développement atypique après 5 ans (c'est Catalise qui nous rappelle ça)
- les compétences narratives jouent un rôle important dans la réussite scolaire
- c'est un prédicteur des compétences en compréhension de lecture et un prédicteur de la qualité des récits
- les compétences narratives permettent de prédire l'adaptation aux pairs à l'école primaire.
- l'intervention langagière basée sur la narration fournit un contexte naturel d'intervention
Les enfants TDL peuvent avoir des difficultés au niveau de la microstructure (avec plus d'erreurs grammaticales, une diversité lexicale réduite, moins de phrases complexes...), au niveau de la macrostructure, notamment au niveau de la cohérence, au niveau de la compréhension inférentielle, de la connexion logique entre les événements, de la Théorie de l'Esprit, les fonctions exécutives, la mémoire de travail, et la logique verbale.
Lorsqu'on raconte un récit, toutes les fonctions linguistiques ainsi que les fonctions cognitives connexes sont mises en mouvement en même temps.
Didier nous a ensuite présenté les ingrédients actifs de la rééducation au niveau narratif, d'après un article de Spencer & Petersen en 2020 (1).
- construire la structure narrative AVANT le vocabulaire et le langage élaboré
- utiliser plusieurs exemplaires pour entraîner les compétences métalinguistiques et la généralisation
- la participation active de l'enfant est nécessaire
- il faut contextualiser, analyser et reconstruire des histoires
- utiliser des supports visuels pour rendre concrets des concepts abstraits
- donner immédiatement un feedback correctif
- utiliser les aides efficaces
- différencier, individualiser et étendre
- organiser des possibilités de généralisation
- rendre cela joyeux !
Au niveau clinique, Didier propose une rééducation de groupes dans les classes où il travaille dans un centre pour enfants avec un TDL. Il propose entre 12 et 15 séquences par an. Il commence par des activités préparatoires sur les différents ancrages (qui? quand? où?), puis l'introduction des personnages, l'exposition des histoires et le déclencheur / résolution, avec notamment des phrases à compléter comme "elle voulait jouer au ballon, mais..."
Ensuite, Didier propose une rééducation explicite de la trame narrative, inspirée du protocole Story Champ de Spencer et Peterson, et utilisée avec le support du livre "Le Récit en 3D" de Dugas (2) . Il propose donc des séquences en classe, avec une enseignante, mais c'est tout à fait adaptable en libéral, avec la présentation du lexique, le script avec les enfants si l'histoire le permet, l'exposition de l'histoire, le début de la trame narrative, l'invention de la résolution et de la coda, puis le récit complet.
N'oublions pas non plus l'importance de travailler sur d'autres facteurs comme les inférences, la lecture partagée et les facteurs cognitifs sous-jacents.
Didier a ensuite évoqué les récits d'histoires personnelles, qui se rapprochent le plus du quotidien de l'enfant. Et cela a été le moment de parler de l'importance du partenariat parental, car, en effet, le récit s'acquiert grâce à l'étayage, et il est parfois nécessaire de donner aux parents les moyens techniques d'affiner leur étayage.
Cette brillante intervention s'est terminée sur les conclusions d'une métaanalyse toute récente (3) indiquant que globalement, la macrosctructure et la microstructure s'améliorent grâce à des interventions diverses, même à une dose relativement faible. Les points communs entre ces interventions efficaces sont qu'elles présentent un enseignement explicite de la trame narrative, un enseignement protocolisé, l'utilisation de supports visuels et l'utilisation d'incitations verbales. Et ce qui est top, c'est que ces interventions peuvent être pratiquées par d'autres professionnels, comme les enseignants, ce qui permet d'avoir un impact bien plus grand.
Merci Didier, c'était un plaisir de t'écouter !
Situations cliniques, de la technique au contexte
Rééducation d'un trouble phonologique à l'aide de Metaphon, par Christine Nossent
Intervenante : Christine NOSSENT, orthophoniste et formatrice
Mme Nossent nous a parlé des troubles phonologiques et nous a présenté le programme Metaphon, qui a pour objectif de rééduquer les troubles phonologiques.
Evaluation en termes de processus phonologiques simplificateurs
Rappelons d'abord ce qu'est un processus phonologique simplificateur (PPS). Pour Stampe (1979), c'est une "opération mentale qui s'applique dans la parole du jeune enfant pour substituer à une classe de phonèmes ou à une séquence de phonèmes, une classe alternative identique mais dépourvue de la difficulté spécifique qui pose problème à l'enfant". Bref, en gros, ce sont des stratégies utilisées par les enfants pour simplifier les mots qui sont encore trop difficiles à prononcer pour eux.
Ces processus simplificateurs font partie du développement phonologique normal et existent dans toutes les langues du monde. Au début de l'apprentissage, les processus sont simultanés et puis peu à peu, ces processus disparaissent (aux alentours de 5 ans, ils ont tous disparu).
Le problème, c'est que, chez certains enfants, les PPS persistent au-delà de l'âge auquel ils auraient dû disparaître.
Il y a 2 principaux types de PPS :
- les PPS de substitution qui consistent à remplacer un phonème par un autre phonème en modifiant une ou plusieurs caractéristiques distinctives du phonème. On retrouve dans les PPS de substitution les antériorisations, les postériorisations, les assourdissements, les sonorisations, les nasalisations, les oralisations et les substitutions de voyelles.
- les PPS structurels quant à eux modifient la structure du mot (nombre de syllabes ou de phonèmes). Il s'agit des ajouts, des suppressions et des inversions.
Et il va sans dire que plusieurs PPS peuvent s'appliquer en même temps au même mot. Ainsi, un enfant qui produit /tik/ pour "tigre" produira un assourdissement (/g/ devient /k/) et une réduction de groupe consonantique.
Ces PPS sont plus ou moins fréquents selon l'âge de l'enfant.
Qu'est-ce qu'un trouble phonologique ?
C'est un trouble qui atteint la constitution du système phonologique, c'est-à-dire la construction des représentations phonologiques des mots. Cela touche la production et/ou la perception des phonèmes. Et c'est soit un symptôme isolé, soit cela fait partie d'un tableau plus complexe.
Ainsi, comme l'indique Catalise, le trouble phonologique est un "trouble des sons de la parole", qui peut être isolé ou associé à un TDL, dans lequel d'autres niveaux langagiers sont atteints (lexique, syntaxe, discours, etc.).
Mme Nossent rappelle les symptômes des troubles phonologiques en production :
- une grande inintelligibilité
- une instabilité des productions (le même mot n'est pas toujours prononcé de la même façon)
- un phonème peut être produit correctement dans un mot et pas dans un autre
- une production peut correspondre à plusieurs mots (par exemple, l'enfant peut produire /bi/ pour "biberon" et "bille")
- la présence d'un ou plusieurs PPS
Et les symptômes des troubles phonologiques en réception :
- difficultés de discrimination auditive (confusion entre deux phonèmes)
- difficultés de catégorisation (jugement sur le 1er phonème par exemple)
Lors du bilan orthophonique, il faudra donc vérifier la présence des PPS, établir le répertoire phonétique et vérifier la stabilité des productions. Cela permettra aussi de faire le diagnostic différentiel entre trouble articulatoire, dysarthrie, dyspraxie verbale et trouble phonologique.
Mme Nossent nous a ensuite présenté un patient présentant des confusions entre les consonnes sourdes et sonores, en modalité orale et écrite, à qui elle a proposé une rééducation à l'aide de Metaphon.
Metaphon
Metaphon est une méthode de rééducation des troubles phonologiques développementaux, dans laquelle on vise une stabilité des productions, par une "réorganisation interne des sons". Metaphon est basé sur le principe des "paires minimales", c'est-à-dire que deux mots deviennent non discriminables lorsqu'on leur applique un PPS particulier. Par exemple, un enfant qui désonorise les consonnes voisées produira de la même façon les mots "poule" et "boule", entraînant des difficultés de communication. En sensibilisant l'enfant aux contrastes entre les phonèmes sur une paire de phonèmes en particulier, on espère un transfert aux autres paires de phonèmes d'une même catégorie (par exemple, le travail de p/b pourra avoir un effet sur la paire t/d.
Les objectifs de Metaphon sont multiples :
- accroître l'intelligibilité de la parole
- réduire voire supprimer les PPS
- prendre conscience de la nature segmentale de la parole (syllabes/phonèmes), des contrastes phonologiques et de l'utilité de marquer ces contrastes dans la production afin de se faire comprendre par son interlocuteur (si on dit /camp/ ou /temps/, un seul phonème change mais la signification est très différente.
Déroulement :
- Il est d'abord essentiel de proposer une ligne de base comprenant une épreuve de dénomination d'images, une épreuve de répétition de mots, une épreuve de discrimination et un échantillon de langage dans une situation plus naturelle de communication. Cela permettra d'avoir un repère précis sur les PPS produits et ainsi, de déterminer les PPS à travailler et dans quel ordre.
- Quelques principes pour savoir quels PPS travailler en premier :
-
- voir l'âge de l'enfant et quel(s) processus sont censés avoir disparu à son âge dans le développement normal
- partir des phonèmes déjà produits par l'enfant
- commencer par traiter les PPS qui affectent le plus l'intelligibilité de l'enfant
- viser prioritairement les PPS qui disparaissent spontanément dans certains mots
- 1ère phase du traitement : développer la conscience phonologique
Cette phase permet d'éveiller l'intérêt de l'enfant pour les sons du système phonologique et de développer son intérêt pour les phonèmes et leur organisation. Il y a 4 niveaux de travail. Par exemple, pour les assourdissements :
- au niveau du concept : on fait prendre conscience de la propriété de vibration et classement de jouets, objets, images vibrant ou non (a un moteur/n'a pas de moteur par exemple), en introduisant des référents visuels choisis par l'enfant de préférence. C'est une phase assez rapide, dans laquelle on ne parle pas de phonème, qui met l'enfant en confiance.
- au niveau du son : on va familiariser l'enfant avec le trait distinctif, en transférant les notions et vocabulaire appris lors de la phase précédente vers les sons. Ainsi, on classe des sons, des bruits en fonction de la vibration, et en faisant ressentir les vibrations des cordes vocales.
- au niveau du phonème : on transfère la propriété au niveau du phonème en utilisant des supports des niveaux antérieurs. Il est nécessaire de travailler le phonème par contraste et non de manière individuelle.
- au niveau du mot : on introduit le contraste au niveau du mot et classant des mots. On utilise toujours les supports visuels et kinesthésiques utilisés au niveau précédent. Dans un premier temps, on propose des contrastes en position initiale.
- 2eme phase du traitement : développement de la conscience communicative
Le but est de transférer les apprentissages de la phase précédente à une situation de communication, en sensibilisant l'enfant à la dimension fonctionnelle des contrastes absents dans son langage. Ainsi, on ne corrige pas l'enfant explicitement, mais on l'amène à prendre conscience qu'il doit corriger sa production pour se faire comprendre.
Différents jeux sont possibles, avec notamment le jeu de paires sur le principe de la Pace, ou des jugements de phrases où l'enfant doit juger si la phrase est correcte ou non.
Le principe général est de laisser l'enfant faire des erreurs et d'agir en fonction de ses erreurs, en lui montrant notamment qu'on ne le comprend pas. On l'amène à ce qu'il s'autocorrige pour qu'il parvienne à utiliser automatiquement de nouveaux contrastes.
Par ailleurs, il va être intéressant de transférer les acquis dans la vie quotidienne, d'expliquer à l'enfant et à sa famille le but des exercices et leur proposer de les réaliser à la maison (en leur montrant comment faire avant). Il est aussi intéressant de rendre la famille sensible aux productions de l'enfant dans la vie quotidienne, afin de l'amener à s'autocorriger.
Metaphon est donc une approche, parmi d'autres, de la rééducation des troubles phonologiques. Mme Nossent a insisté sur l'importance de l'analyse des erreurs et de l'importance de la collaboration des parents.
Pour information, Metaphon n'est pas commercialisé et il est nécessaire de construire le matériel (choisir les images en fonction des contrastes, etc.). Si vous voulez en savoir plus, n'hésitez pas à lire le chapitre sur les troubles phonologiques du livre de Marie-Anne Schelstraete et coll. (4) dans lequel il est question de Metaphon.
Facteurs de risques et protection : le cas des enfants plurilingues et pluriculturels
Intervenante : Paulette ANTHEUNIS, orthophoniste et formatrice
Et pour finir ces deux jours, nous avons eu la chance d'écouter Paulette Antheunis nous parler des facteurs de risques et de protection en cas de multilinguisme, en nous interrogeant sur quels facteurs nous pouvons agir en tant qu'orthophoniste et en cassant les idées reçues sur le bilinguisme.
Idées reçues concernant les définitions du plurilinguisme :
Vrai ou Faux ?
"La personne bilingue devrait :
- employer des compétences dans plusieurs langues de façon équilibrée ?
- être capable de séparer les langues ?
- puiser dans un répertoire tant linguistique que culturel ?
- avoir atteint un niveau de maîtrise équivalent à un monolingue dans au moins une des deux langues?"
Mais toutes ces affirmations sont fausses ! En effet, en 2001, le conseil de l'Europe publiait un cadre européen de référence pour les langues indiquant que le multilinguisme est :
- "L'aptitude de l'individu à puiser dans un répertoire de savoir-faire et de connaissances dans plusieurs langues pour faire face aux situations de communication les plus variées."
- "C'est une compétence unique, naturellement déséquilibrée et évolutive."
- "C'est la compétence d'établir des liens entre les différentes langues, voire de passer d'une langue à l'autre dans certaines situations de communication."
Idées reçues concernant les conseils :
Vrai ou faux ?
"Compte tenu de la surcharge cognitive engendrée par l'apprentissage de deux langues, les professionnels doivent conseiller l'abandon d'une éducation plurilingue pour les enfants présentant des TND."
Cette affirmation est fausse, car, en effet, les études montrent que le bilinguisme ne pénalise pas les apprentissages et ont même certains avantages, comme le soulignait Stéphanie Durrlemann dans son intervention au sujet de la Théorie de l'Esprit (le résumé de son intervention est ici).
Vrai ou faux ?
"L'un des conseils les plus importants à donner aux parents d'enfants vivant dans un contexte plurilingue et pluriculturel est de respecter le principe "une personne/une langue."
Et bien là encore, même si on l'a longtemps dit (moi la première!) cette affirmation est fausse. En effet, l'alternance des langues permet de la richesse et de la compétence, et les emprunts entre les langues sont normaux. De plus, l'alternance n'empêche pas la différenciation des langues. Et pour finir, ce conseil n'est pas tenable, car cela supprime toute la spontanéité nécessaire au langage.
Vrai ou faux ?
"Quand tout se passe bien, après une année de maternelle, l'enfant allophone, à son entrée à l'école primaire, maîtrise la langue de la scolarisation."
Encore une affirmation fausse ! En effet, après une année de maternelle, l'enfant allophone maîtrise la langue de socialisation, mais il faudra plusieurs années avant qu'il ne maîtrise la langue des apprentissages comme un enfant monolingue.
Quels facteurs de protection favorisent la mise en place d'un bilinguisme fonctionnel ?
- la valorisation
- le projet
- le modèle
- le choix : quand les parents ont fait le choix et n'ont pas été obligés de quitter leur pays
- la motivation
Cela paraît évident, mais gardons-nous de juger le projet de vie des familles ! En effet, il est fort possible que les parents aient des sentiments contradictoires. On peut très bien avoir fait le choix de quitter son pays, et pourtant regretter son pays natal...
Comment éviter les sur-diagnostics ?
- en analysant la L1
- en ayant bien conscience que l'apprentissage d'une L2 est difficile, mais n'est pas une pathologie
- en analysant les erreurs produites en français
- en attendant avec impatience les épreuves LITMUS dont parlait Laetitia De Almeida ;)
Comment prévenir les sur-handicaps ?
- en adaptant la rééducation
- en faisant des liens interlangues
- en faisant intervenir des interprètes dans nos cabinets (via les associations par exemple)
- en proposant un accompagnement afin de mieux comprendre les représentations parentales
- en proposant des activités de groupe, avec des supports adaptés
Pour aller plus loin...
Paulette a cité différentes ressources si le plurilinguisme nous intéresse :
- le site ALOA Diversité, construit par Pauline van der Straten, logopède belge : https://www.aloadiversite.com/
- le site Agir Tôt, avec notamment la "Trousse Langage" : https://agirtot.org/parc-extension/trousse-de-conseils-langage/
- le site D'une Langue à l'Autre : https://dulala.fr/
Merci Paulette pour cette belle intervention de conclusion !
Et voilà, nous arrivons à la fin des résumés de ces deux jours d'interventions riches et passionnantes. J'espère que la lecture des articles vous a plu et vous sera utile. N'hésitez pas à laisser des commentaires.
Encore merci à Orpheo, et en particulier à Franck, Didier et Maud, ainsi qu'à tous les intervenants de m'avoir laissé partager mes notes avec vous. J'espère avoir réussi à rester aussi fidèle que possible à leurs propos.
Références :
(1). Spencer, T. D., & Petersen, D. B. (2020). Narrative Intervention: Principles to Practice. Language, speech, and hearing services in schools, 51(4), 1081–1096
(2). Dugas, B. (2006). Le Récit en 3D. Chenelière Education
(3). Pico, D. , Prahl, A., Biel, C., Peterson, A., Biel, E.? Woods, C. & Contesse, V. (2021). Interventions Designed to Improve Narrative Language in School-Age Children: A Systematic Review With Meta-Analyses. Language, Speech, and Hearing Services in Schools. 1-18.
(4). Schelstraete M.-A. (2011) Traitement du langage oral chez l'enfant : interventions et indications cliniques. Elsevier Masson
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Ophélie (jeudi, 16 décembre 2021 20:53)
Merci pour ce partage très riche :)